INTERVIEW
Chirstian Thiriot – Comédien et Maire de Beauvoisin
BONJOUR CHRISTIAN, POUR COMMENCER POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER ?
Je suis Christian THIRIOT, Maire de Beauvoisin, dans la Drôme, élu en 2014 et réélu en 2020. Il s’agit donc de mon deuxième mandat en tant que maire de ce village. C’est un village rural de 150 habitants, comme il y en a beaucoup en Drôme provençale, qui vit principalement de la culture d’arbres fruitiers tels abricots, cerises, prunes, amandes, grenades, sans oublier les olives. Il reste aussi quelques parcelles de vignes.
Notre village accueille aussi plusieurs résidences secondaires dont les résidents sont issus de la Communauté européenne.
C’est un village où il fait bon vivre, accueillant, bénéficiant d’une présence régulière de touristes pratiquant les activités de pleine nature : randonnées, VTT, escalade, parapente….
A la tête de la commune depuis 2014, j’ai souhaité développer l’activité culturelle qui est une compétence appartenant aux communes. Au fil des années, s’est construit un programme très diversifié : participation au « Printemps des Poètes », accueil de comédiens et de troupes théâtrales, concerts, danse, expositions… Au fil du temps et au fil des partenariats que nous avons pu mettre en œuvre, notre village s’est forgé une réputation en matière de qualité des évènements proposés. Beauvoisin est un village « ou il se passe forcément quelque chose » entendons nous régulièrement. C’est en quelque sorte la récompense de toutes nos actions entreprises.
QU’EST CE QUI VOUS A AMENÉ VERS LE THÉÂTRE AMATEUR ?
J’ai toujours été passionné par le théâtre. Durant ma vie professionnelle, j’ai exercé plusieurs responsabilités, dont celles de secrétaire d’un comité d’entreprise d’un grand établissement bancaire à Paris. Cette fonction a permis des relations fortes entre les responsables des collectivités des théâtres ou salles de concerts et le CE.
Cela m’a conduit à fréquenter les théâtres parisiens ou de la périphérie de très nombreuses fois, Ceci a alimenté mon affection pour le spectacle et pour le théâtre en particulier.
A l’âge de la retraite, j’ai fait le choix de venir vivre à Beauvoisin et d’occuper notre résidence construite quelques années auparavant. Toujours animé de cette passion pour le théâtre, je me suis mis à la recherche d’une association locale susceptible de m’accueillir. Je suis entré au « Théâtre des habitants » à Buis-les-Baronnies, pour apprendre le rôle de comédien amateur, faire du théâtre et participer aux créations et aux spectacles de l’association.
Et j’ai y même acquis des responsabilités, trésorier tout d’abord puis très vite, j’ai été élu président de l’association.
Mon cheminement vers le théâtre amateur, c’est donc en premier lieu pour des raisons personnelles.
J’ai eu aussi la chance, il faut le dire, de pouvoir jouer de très beaux spectacles.
Dans ce contexte, lorsque j’ai été élu maire en 2014, j’ai eu envie de continuer mais cette fois en tant qu’élu, en m’appuyant sur mon expérience de comédien.
POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DU FESTIVAL DE THÉÂTRE QUI SE DÉROULE DANS VOTRE COMMUNE ?
Je suis resté une dizaine d’années dans cette compagnie théâtrale à Buis-Les-Baronnies, que j’ai quittée en 2023. A la fin de cette même année, avec un autre comédien et comédienne, nous avons fait le choix de créer une compagnie de théâtre à Beauvoisin : “La compagnie drômoise de la Cigale”.
La première décision que nous avons prise, lors de la constitution, c’est d’adhérer à la FNCTA, par le biais du Comité de la Drôme. Et la deuxième décision que nous avons prise, c’est d’être partenaire avec la mairie de Beauvoisin pour aider à la mise en place de la deuxième édition du festival de théâtre et de rencontres. Celui-ci vient se dérouler durant le week-end des 24, 25 et 26 mai.
La première édition a eu lieu l’année dernière à la même époque, d’un format plus réduit puisqu’il y avait trois spectacles sur deux jours.
Cette année le programme a été considérablement étoffé avec 5 spectacles sur 3 jours, 2 conférences, une lecture théâtralisée. Cela s’est traduit par un week-end très riche, consacré au spectacle vivant, avec des troupes amateures, mais aussi une comédienne professionnelle accompagnée d’un musicien. Par le biais des conférences, nous voulions également avoir des temps de rencontres, d’échanges, de réflexion, de partage… On est cette année sur un niveau beaucoup plus important, le cru 2024 a valeur de référence.
ÊTES-VOUS CONTENT DE CETTE ÉDITION ?
Oui, ça a super bien marché. Nous n’avons pas encore tout à fait fini de faire le bilan, mais sur ces cinq spectacles et conférences, nous avons accueilli près de 250 personnes. Il y a eu un engouement et un intérêt certain manifestés lors des spectacles et des débats qui ont eu lieu.
Par exemple, samedi, il y a eu un débat sur la décentralisation du spectacle vivant dans les villages ruraux, en présence de notre parrain, Frédéric Richaud (comédien professionnel, mais aussi directeur du Centre Dramatique Des Villages du Haut Vaucluse). Ils organisent tous les ans, depuis plus de 50 ans, un festival “les nuits de l’enclave” à Valréas.
Il y avait aussi Roland Peyron (autre comédien professionnel, animateur d’une autre troupe de théâtre à Buis-Les-Baronnies : « le théâtre de la Lance et des Baronnies »). Il est aussi élu et vice-président à la communauté de communes de Buis-les-Baronnies, chargé de la culture.
Nous avons eu aussi la présence de Florian Salazar Martin (Vice-président de la Fédération nationale de la culture pour les collectivités, 6e adjoint à la mairie de Martigues, chargé de la culture).
Présences aussi de Brigitte Brienne qui est à l’initiative de la création du théâtre des Deux Mondes à Vaison-La-Romaine et de Bruno VATAN (Président de la Cie Drômoise de la Cigale). Ce débat était animé par Michel Flandrin, ancien journaliste à France Bleu Vaucluse.
Cela s’est traduit par belle table ronde et du public où pendant 1h30, nous avons parlé de nos expériences, de ce que nous pouvions faire pour continuer à faire vivre le théâtre en milieu rural, dans les villages, comment pouvons tourner dans les autres villages où il se passe d’autres
animations.
QUELLES ONT ÉTÉ LES CONCLUSIONS DE CETTE TABLE RONDE ?
D’une part, c’est de faire perdurer ce qui existe à Beauvoisin. On était tous d’accord là-dessus. Après s’est posé la question de pérennité de ce festival. À ce sujet, Frédéric Richaud a soulevé des points importants, affirmant par exemple, que dans un festival comme le nôtre, il est important de faire des choix politiques. Les décisions adoptées pour ce festival ont été de faire appel à des compagnies amateures et de proposer une programmation diversifiée combinant amateurs et professionnels.
Ces choix politiques ont été confirmés.
De plus, le parrain actuel continuera à soutenir et à suivre notre projet. Cela se traduit par une implication de sa part dans la recherche d’un parrain ou d’une marraine pour la troisième édition. Il s’agit là un engagement fort qui a été retenu.
Cela soulève naturellement la question des moyens financiers nécessaires à la réalisation de ce projet. Il faudra solliciter les collectivités locales, les financeurs départementaux, la DRAC, la région, et peut-être aussi la Communauté de communes.
Une réflexion est en cours avec la Communauté de communes sur la manière de développer un projet culturel impliquant les 67 communes. Toutes ces initiatives visent à encourager et à créer les conditions nécessaires pour assurer la pérennité de ce qui existe à Beauvoisin.
COMMENT PORTER UNE ACTION CULTURELLE DANS UN VILLAGE EN MILIEU RURAL ?
La mairie s’appuie sur la compagnie Drômoise de la Cigale et sur le comité Drôme de la FNCTA. Ensemble, nous avons bâti notre programmation.
La mairie a mis en place une commission culture. Elle se réunit pour élaborer le programme de l’année. Nous avons aussi créé une régie municipale dédiée à la billetterie, qui nous permet effectivement de pouvoir assurer la recette. Tous ces éléments sont importants, ils font partie des moyens que la Marie peut se donner pour développer ses actions culturelles. Et puis il faut aussi beaucoup de bonnes volontés, mais on n’en manque pas.
COMME MAIRE COMMENT ALLEZ VOUS SAISIR LA PROPOSITION DE LA MINISTRE DE PROMOUVOIR THÉÂTRE ET RURALITÉ ?
Il y a déjà eu un questionnaire qui a été envoyé dans les collectivités auquel nous avons répondu. Après, effectivement, sur les suites qui vont y être apportées, la balle est dans leur camp. Alors il y en a qui ne se font pas trop d’illusions. Nous sommes interrogés, nous répondons. Après tout dépend des choix politiques qui seront décidés au niveau de l’État. Cela dit, nous ne croyons plus au Père Noël ni miracle. Nous verrons ce que cela va donner. Mais cela dit, s’il y a soutien, s’il y a des choses plus concrètes, nous ne ferons pas la fine bouche évidemment.
ET EN QUOI, POUR VOUS, LA CULTURE EST-ELLE INDISPENSABLE EN RURALITÉ ?
Cela crée du lien, cela permet à des personnes de se rencontrer dans le cadre de spectacles ou d’animations diverses. Cela permet aussi, à travers le spectacle vivant, d’évoquer un certain nombre de thèmes importants tout en laissant à chacun le soin de se forger sa propre opinion.
Par exemple avec le spectacle “Stabat Mater Furiosa” magnifiquement interprété par Françoise AUFAUVRE à partir d’un texte de Jean-Pierre SIMEON mis en scène par Jean-Louis RAYMOND, il s’agit d’un cri contre les hommes de guerre et d’un chant d’espoir contre l’obscurantisme Nous sommes là sur un sujet malheureusement d’actualité.
Le spectacle “Une nuit particulière”, traite de la violence comme possibilité de protestation. Dans ce huis-clos se joue le débat sur la légitimité de la violence pour faire entendre la voix des opprimés. L’auteur ne prend pas parti, il mêle la confrontation de visions sociétales opposées avec les faiblesses de l‘être humain, associée à ses besoins d’amour. (Interprétation, Cie SAFRAN – texte de Daniel KEHLMANN – Mise en scène Jérôme GARNIER).
Le spectacle « Fausse Note » (interprétation Cie du Nouvel Acte – Mise en scène Albert COURTAUD) un thriller théâtral bouleversant, au suspens permanent, émouvant et bouleversant, interprétation unique d’une pièce difficile qui se révèle être la traque d’un ex SS qui se cache sous les traits d’un chef d’orchestre de renommée internationale…
Le spectacle vivant permet de traiter des thèmes forts, puissants. Il appartient au public de se faire sa propre opinion.
La poésie était également au rendez-vous avec la lecture des correspondances de Camille CLAUDEL, magnifiquement interprétée par Charlotte ASSEMAT éblouissante, accompagnée par Sébastien LALISSE aux claviers (Cie ARTIMON PRODUCTION).
Tous ces éléments permettent aux habitants du ou des villages d’entendre, de découvrir d’autres choses, d’écouter de la musique, de voir de belles expositions. Profiter ensemble, c’est important dans ce contexte difficile dans lequel nous vivons.
On s’inscrit aussi dans des événements comme par exemple, le printemps des poètes au mois de mars, tous les ans nous proposons une animation poétique. Dans le cadre du festival estival « PARFUM DE JAZZ », par le biais de Jazz au village, Beauvoisin fait partie des tournées incontournables.
Il y a 15 jours, on a accueilli un festival de fanfares.
C’est vraiment dans l’ADN de notre village. Nous avons acquis cela, petit à petit, cela s’est construit au fil du temps.
En septembre, on va accueillir une troupe itinérante qui va venir jouer un spectacle sur Giono. Elle a prévu une halte à Beauvoisin. On a la chance d’avoir aussi des structures. On a un lieu qui s’appelle la Guinguette, où on peut accueillir 200 personnes, que nous avons aménagé, rénové. Cela nous permet d’organiser des manifestations sur les périodes printanières jusqu’à début d’automne. Et puis à côté, on a une autre salle, plus réduite, qui peut accueillir quand même 70 personnes, pour les manifestations entre novembre et le printemps. C’est une chance d’avoir ce patrimoine communal.
UN MOT POUR TERMINER ?
Je vais souhaiter longue vie au festival de Beauvoisin dans un premier temps. Et puis vive la culture.
Merci à vous.