Sarah Oling, autrice et Alain Bourbon, comédien et metteur en scène préparent une mise en voix de “Dieu riait…” pour le Rendez-vous d’Automne de Châtillon.

Q1. Sarah Oling, tu es autrice à Lyon. Peux-tu nous décrire ton parcours d’écriture ?

Je ne devrais pas répondre à cette interview. Je ne devrais pas parler de littérature…, et encore moins de théâtre. Je ne devrais même pas effleurer ces mots…

Alors que, dans ma tête, à l’instant où je prends la plume pour vous répondre, tout de même, dansent les mots « illégitime », « désert d’enfance »  « résilience » ,  en une folle sarabande.

Je ne devrais pas… et pourtant, de ces terres d’où je viens, si lointaines que j’ai cessé de les revendiquer comme antagonistes, il est temps de répondre en pleine lumière, en pleine conscience… puisque c’est bien ce territoire lointain qui est le terreau dans lequel je plonge mes mots, peu à peu, pour façonner, non pas un rempart, mais de nouvelles fondations, certes plus stables, certes plus abouties, mais qui gardent les traces subtiles de ce qui fut.

Alors… J’en arrive à « Pour un peuple d’oiseaux », mon 5e roman. Parcours d’écriture. Le décrire ?  Il m’arrive d’interpeller intérieurement celle qui fut infiniment sauvage et rebelle à toutes paroles pendant longtemps : « Comment as-tu osé ? … »

Et une voix, venue de ces temps anciens, me répond qu’il est temps d’abandonner ce qui fut et d’évoquer désormais la lumière … Écrire. Je ne me « connais pas » sans l’écriture… Depuis que j’en ai découvert le pouvoir sur moi. Oui, le pouvoir, celui de créer des univers, d’esthétiser les violences, de tracer des mots, qui composent des partitions, puis une musique qui fait sens. Pour moi, pour ceux qui la reçoivent. Roman après roman, j’ai érigé une frontière, pactisé avec les fantômes originels. Ceux qui traversèrent mon histoire familiale, ce peuple d’absents…

Puis, peu à peu, l’écriture mémorielle, au nom de « tous les miens », s’est ancrée. Et c’est ainsi qu’est né « Consciences en convergences », l’acte artistique et citoyen autour de « Pour un peuple d’oiseaux » qui propose une transmission autre des Mémoires, et non pas de la Mémoire.. Universalité et humanisme en étant les maîtres mots…

Q2. Qu’est-ce qui a amené à préparer une adaptation théâtrale d’un de tes romans ?

Cela arriva par la grâce d’une rencontre au Lucernaire, il y a des années. C’était la première fois où j’allais au théâtre . Dans cette petite salle du Lucernaire, tout en haut d’un étroit escalier, Laurent Terzieff et La rencontre… Quelques instants après sa sortie de scène, quelques mots échangés, oui , quelques mots avec lui ,qui demeurent et qui me portent.

Je pourrais presque affirmer que c’est ainsi qu’est né « Dieu riait… » De cette rencontre avec Laurent Terzieff quelques années plus tôt…L’intention d’écrire l’adaptation de « Pour un peuple d’oiseaux ».

Mais, de l’intention à l’acte d’écriture, il y eut d’autres rencontres… pour abolir justement l’empêchement originel, sur la question de la légitimité… Rencontre épistolaire, tout d’abord, avec un homme de théâtre , Serge  Ouaknine ,  qui fut le premier à lire les premiers actes de cette pièce en devenir…sans nom encore, et qui me poussa à aller bien au-delà , à cesser de « faire de la littérature » , pour écrire pour le théâtre…

Puis il y eut, il y a presque un an, la rencontre avec Alain Bourbon. Autour d’Anne Franck. Et mon écriture prit encore un autre envol. Nous avons travaillé ensemble, fiévreusement… Je ne trouve pas d’autre expression, dans la même urgence, moi qui croyais que j’étais presque inadaptée, dans ma construction de pensée, si fulgurante, dans cette crainte que les images disparaissent, si je ne les traduisais pas en mots immédiatement, j’ai trouvé mon alter ego… et le metteur en scène de « Dieu riait… ». !

Q3. Alain Bourbon, les amateurs du théâtre de la région te connaissent bien, peux-tu toutefois nous rappeler ton parcours théâtral et enfin, comment tu as pris connaissance de ce texte de Sarah Oling ?

Cela fait maintenant quelques années que je fus « mordu » par Monsieur Théâtre. Heures de vie passées à réinventer le Monde, des personnages, des utopies… Avec la particularité consciente que chaque instant, chaque scène naissent d’une manière différente d’un soir à l’autre. Tout est mouvant au Théâtre… Tout est faux aussi… Pourtant, pour ceux qui le fabriquent, tout est essentiel… On peut donc dire que l’on s’approche d’une certaine vérité… en tous les cas, sans aucun doute, de la mienne. C’est déjà pas mal non ?

Longtemps je ne me suis pas couché de bonne heure !

Répétitions… Mes plus grands moments de Théâtre ont été pendant ces longues heures de travail…

Mes souvenirs en vrac d’acteur et de metteur en scène : Caligula d’Albert Camus, Down Town de Philippe Chignier, Festen de Thomas Vinterberg, Anne Frank, Le silence de la mer de Vercors, Une heure et demie de retard de Gérard Sibleyras, Le premier d’Israël Horovitz, et tant d’autres… Des festivals, des débats, des films, des rires, des fous rires, des larmes aussi…

Mes souvenirs au sein de la FNCTA : Président du jury Poker d’as de Lyon à 5 reprises, membre actif au sein du Comité d’organisation de Châtillon, les rencontres avec les auteurs contemporains, avec mes camarades comédiens… Sorte de boulimie…

Et puis…
Un besoin de rien… de vide… de me ressourcer pendant quelques années… Je ne savais plus très bien ce que j’attendais du Théâtre…
Peut-être la conséquence d’un manque d’inspiration ou tout simplement d’envie.
Retour vers le Noun de mon Théâtre, à défaut d’un « retour au désert » de Koltés…
Et puis… Châtillon m’a manqué, l’odeur des coulisses m’a manqué, revoir des spectacles, retrouver cette intelligence humaine qui se donne sans tricher dans un immédiat absolu. J’étais prêt, je crois, à redécouvrir le « sens » de notre passion.

La rencontre avec Sarah Oling chez des amis communs…
Une longue discussion « silencieuse »…
Autour de son histoire, d’Anne Franck, de son roman « Pour un peuple d’oiseaux », de l’arbitraire, de la création, de… je ne sais plus finalement…
Et mon envie… Pourquoi pas… Reprendre du service en mettant mes « talents » de comédien au service de l’adaptation théâtrale du roman « Pour un peuple d’oiseaux »…

Prendre des mots, les triturer, les dire, les cracher, les caresser, raconter, improviser … Fiévreux… Vulnérable… Retrouver le sens « fantôme » du plateau et Sarah à la plume accouchant « …Dieu riait ? ».

Toutes ces heures de fièvre, je les ai vécues pleinement dans une jubilation enfantine. Un pur bonheur de travail.

Q4. Comment préparez-vous cette lecture pour le Rendez-vous d’Automne (2 au 4 octobre 2020) ?

Alain :
« … Dieu riait » est une pièce qui tourne autour des Mémoires. Celles dont personne n’est légitime  à les évoquer.
Tranches de vie que l’on n’a pas vécues… D’histoires cachées… De non-dits… D’horreurs enfouies… D’odeurs de cuir et de savon sale…
Nous voulions, avec Sarah, avoir un angle d’éclairage du texte différent, d’un point de vue générationnel. Nous avons proposé à la compagne de « La pie qui gratte «  de Châtillon si 2 comédiens « jeunes » pouvaient participer à cette première lecture d’octobre. Je remercie vraiment « La Pie » de leur confiance. Il était très important pour moi d’avoir de jeunes comédiens autour de moi participant pleinement à l’activité culturelle de Châtillon.

Nous serons donc 4 comédiens sur scène :

  • Claire Rude de « La pie qui gratte » de Châtillon
  • Xavier Gadenne de « La pie qui gratte » de Châtillon
  • Mon compère Vincent Tantaro du « Théâtre de la parenthèse » de Villefranche-Sur-Saône
  • Et votre serviteur…

Nous avons prévu 3 répétitions – dont une au mois de juillet… longue… afin d’entrer dans l’histoire sans tricher
La lecture sera légèrement scénographiée. Le travail technique se fera probablement dans l’urgence… Pfff… Mais tant mieux finalement…

J’ai hâte de retrouver la lumière du plateau.

Q5. Pour finir, un mot chacun sur vos souhaits culturels post confinement..?

Sarah :

Le confinement fut paradoxalement pour moi un moment de vie intense, je dirais même de survie intense… La Covid m’avait prise dans ses filets délétères et j’ai décidé de la défier et de la vaincre par la littérature. Tous les jours, pendant 55 jours, je lui ai volé un peu de temps, tous les jours un peu plus, pour poster sur ma page FB des vidéos dans lesquelles je lisais « aux éclats », selon l’expression de. Marc Alain Ouaknine…, des textes qu’au début je choisissais, mais qui m’ont très vite été suggérés par des auditeurs souvent inconnus qui découvraient la page.

Cette aventure salvatrice a généré de magnifiques rencontres littéraires avec des auteurs, des journalistes, des artistes, des critiques littéraires… qui soudain me soutiennent et me portent pour le futur.

Le futur de « Dieu riait… » après sa mise en voix à Châtillon.

 Le futur de « Consciences en Convergences » auprès de collégiens, avec le comédien Emmanuel Amado, qui m’accompagne depuis la création de cet acte artistique. Nous préparons un spectacle autour des thèmes de la lutte contre le racisme, entre autres, avec des enseignants, depuis la primaire jusqu’à des élèves de troisième, au théâtre de Montluel le 26 novembre prochain.

Le futur, enfin, c’est la mise en chantier de deux projets, l’un littéraire et artistique en collaboration avec une peintre extraordinaire, Annie Lancement,  et le second, l’écriture de ma prochaine pièce de théâtre..

Alain :

Je nous souhaite à nous tous de nous retrouver autour de grands chantiers théâtraux. Retrouver notre physique et le physique de nos partenaires sur le plateau. Comment faire du Théâtre uniquement dans l’oralité ? Le contact physique est essentiel au Théâtre. Je ne veux surtout pas craindre la sueur de mes partenaires. Elle est mon carburant !

Je prépare la mise en scène de « …Dieu riait ? » , également d’une autre pièce (que j’ai déjà joué… et qui pour moi…no comment), et un travail acharné autour du prochain festival de Châtillon 2021 que j’espère grandiose.

Interview croisée de Sarah Oling et Alain Bourbon
Propos recueillis par Gilles Champion

Plus d’informations : 

Sarah Oling
Site internet: www.sarah-oling.com
Facebook: https://www.facebook.com/sarah.oling

Rendez-Vous d’Automne du Festival National de Théâtre Contemporain Amateur
Du 2 au 4 octobre 2020
Page facebook, cliquez ici
Site web, cliquez ici
Pour télécharger l’avant-programme, Cliquez ici

Facebooktwitterredditpinterestlinkedintumblrmail

FNCTA Auvergne-Rhône-Alpes © 2024 Tous droits réservés | Mentions légales | Politique de confidentialité | Photos zeizig – mascarille.com 

Site réalisé par S2A Solution Valserhône (Ain)