Si le théâtre de rue a, dans notre imaginaire, une place vouée à l’imagerie des foires médiévales et des farces, François Sauvanot nous montre que ce genre propose aussi un renouvellement des formes théâtrales, par le lieu, le texte, le verbe et la présence du comédien.
Nous avons rencontré François Sauvanot, auteur, metteur en scène, formateur, comédien et musicien .

“Un humaniste curieux, amoureux de nature et de culture, qui défend le théâtre sous toutes ses formes, comme source de plaisir et d’émancipation.”

INTERVIEW

FRANÇOIS SAUVANOT

POUR COMMENCER, PEUX-TU TE PRÉSENTER ?

Je suis professeur des écoles de métier et j’ai quelques autres casquettes.
Je suis l’humble directeur d’une petite compagnie de théâtre amateur : La Compagnie de Fidelio qui se spécialise dans le théâtre de rue mais qui est aussi ouverte à d’autres formes de spectacle. Et je suis aussi, entre autres, musicien et auteur de poésie.

La Compagnie de Fidelio

QU’EST-CE QUI T’A MENÉ AU THÉÂTRE ? 

Un peu comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit… Je suis natif d’un tout petit village, où comme dans beaucoup d’autres, il n’y avait pas beaucoup d’activités de loisirs proposées… Mais, par chance, dans le mien nous avions une petite compagnie de théâtre amateur. J’ai donc essayé et ça m’a tout de suite beaucoup plu. Par la suite, j’ai eu envie de persévérer et je me suis mis à multiplier les troupes. Je suis entré au Conservatoire de Clermont-Ferrand et je suis devenu intermittent pendant une année où j’ai eu la chance de faire le festival d’Avignon. C’était ma petite parenthèse à moi, puisque je savais déjà que je souhaitais être professeur des écoles.

TU ES DONC PROFESSEUR DES ÉCOLES,  MAIS TU N’AS JAMAIS ARRÊTÉ LE THÉÂTRE…

Je suis dans deux compagnies. La mienne, où j’écris mes pièces et dans laquelle je suis aussi metteur en scène, comédien, musicien… Et à côté de ça, je suis toujours dans la compagnie de théâtre rurale qui était dans mon village, en tant qu’animateur. C’est important pour moi, pour mes valeurs, d’être là pour aider à assurer la pérennité de la troupe, car sans elle certains aujourd’hui (comme moi-même à l’époque) passeraient peut-être à côté du théâtre et de leur passion…

Affiche du spectacle - La Bête du Gévaudan · Compagnie de Fidelio

COMMENT PEUX-TU DÉFINIR LE THÉÂTRE DE RUE ?

Alors, je ne suis pas sûr d’avoir la définition la plus universelle qui existe du théâtre de rue, mais c’est un théâtre qui porte au moins la spécificité de devoir toujours et encore s’adapter : au lieu de jeu, qui n’est pas forcément un lieu dédié à l’origine au théâtre ; au public qui n’est pas forcément habitué aux codes du théâtre ; à la météo, etc. Les curseurs sont donc souvent mis différemment que ce soit dans le renforcement des aspects visuels, dans le format souvent plus court, ou dans le jeu souvent plus énergique… Ces spécificités rendent le théâtre de rue très intéressant, et pourtant c’est une pratique assez rare finalement dans le milieu amateur.

Compagnie de Fidelio au festival Renc’arts d’Augerolles // © Manu Amaro

ET COMMENT CRÉE T’ON UN SPECTACLE DE RUE ? 

Pour créer un spectacle de rue, la première difficulté qu’on rencontre c’est de constater l’absence de répertoire spécifique édité.

Donc il faut piocher soit dans des textes dédiés à la salle et qu’on adapte, soit écrire… J’ai choisi ce parti là, celui d’écrire, et quand on écrit pour le théâtre de rue, il faut forcément penser à adapter le format pour qu’il ne soit pas trop long. Ensuite il faut penser les répliques en adaptant leur « musique » pour que l’ensemble soit énergique.

En théâtre de rue, il y a toujours à anticiper les perturbations : il risque d’y avoir du bruit, du passage, des gens parfois moins concentrés…
Ensuite vient la mise en scène. L’aspect visuel est un point capital dans les réflexions à avoir. Enfin il faut penser que le lieu à investir ne sera pas forcément un lieu dédié au théâtre : il peut y avoir des éléments imprévus comme un arbre, ou le sol qui n’est pas plat ; il peut aussi y avoir un public qui ne sera pas face à vous mais tout autour de vous…
Il va donc falloir anticiper toutes ces petites choses en préparant les comédiens à avoir de la souplesse et à savoir s’adapter au dernier moment. Un repérage des lieux à l’avance reste quand même toujours conseillé…
Mais ces « imprévus » ne doivent pas être vus comme des freins, au contraire, c’est là tout le bonheur du théâtre de rue qui réaffirme la définition du théâtre : l’art de vivre l’instant présent.

Représentation de La Bête du Gévaudan · Festival de la Pamparina à Thiers

QUELS CONSEILS POURRIEZ-VOUS DONNER À DES TROUPES DE THÉÂTRE AMATEUR QUI VOUDRAIENT SE LANCER DANS LE THÉÂTRE DE RUE ?

Je pense qu’au départ, il vaut peut-être mieux partir sur une adaptation ou une pièce déjà écrite, en privilégiant un format court. Ça va permettre de sentir les particularités de ce théâtre, de voir que ce qui fonctionne en salle, ne fonctionne peut-être pas en théâtre de rue, et inversement. Surtout, c’est apprendre à jouer avec un public qui n’est pas forcément habitué aux codes du théâtre.

Plus concrètement, c’est bien de jouer plutôt sur la période de l’été, afin d’éviter les annulations pour cause de météo… En repérant les manifestations qui pourraient accueillir le spectacle (kermesse, fête de village, festival, etc.). Il y a aussi énormément de municipalités qui sont en recherche d’animation tout au long de l’été. Moi je l’expérimente chaque année. Et là le milieu amateur a vraiment une belle place à prendre.

Autre chose, souvent, nous avons l’idée que le théâtre de rue tire souvent vers la farce, qu’il n’y a pas forcément de message, on tire vers le grotesque… Alors que l’on peut amener des choses très profondes, très poétiques… et c’est très important de penser à ça.
À travers la musique, à travers des images et l’aspect visuel, on peut amener des choses très poétiques, des choses très fortes, très sombres aussi… C’est possible et il ne faut pas négliger ça, il ne faut pas s’en couper ! Mais si on a envie de faire de la farce c’est aussi possible !

LES FESTIVALS COMME AURILLAC, CHÂLON DANS LA RUE… PROPOSENT DES PLACES AUX AMATEURS…

Oui. Souvent on a le In et le Off dans ce genre de gros festivals. Il suffit de candidater sur leur site, pour qu’ils vous trouvent un espace libre. Il me semble par exemple que pour Aurillac, il y a environ 20% de compagnies amateurs. Ce sont de beaux festivals, qu’il ne faut pas hésiter à tenter, à essayer. Mais mon conseil pour les troupes qui s’essayent au théâtre de rue serait de démarrer d’abord par des évènements plus petits, parce que souvent dans ces festivals, le public est un public habitué à ce type de théâtre et ils développent parfois certaines attentes qui peuvent les rendre moins bienveillants avec certains spectacles.

VOUS ÊTES AUTEUR. VOUS AVEZ ÉCRIT 5 PIÈCES QUI POURRAIENT ÊTRE MONTÉES PAR DES COMPAGNIES AMATEURES !

J’ai écrit 5 pièces, au départ pour être jouées avec ma compagnie. Mais j’ai la chance aujourd’hui de les voir toutes les 5 éditées : une a été éditée aux Éditions du Petit théâtre de Vallières, située à Clermont-Ferrand. Les 4 autres ont été éditées aux Éditions de la Traverse, située à Nice. C’est vraiment pour moi une grande fierté et un réel plaisir de savoir que peut-être un jour des troupes se les approprieront et proposeront à partir des textes des choses très différentes de ce que moi j’ai pu imaginer…

 

Théâtre de rue amateur : une nouvelle voie ? – Un article paru dans le Théâtre & Animation de la FNCTA – Octobre 2022

Site web de la Compagnie de Fidelio
https://fideliocompagnie.wixsite.com/officiel

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