Quelques questions… avec Claude Monteil, auteur de théâtre

Déjà Molière, dans son Impromptu de Versailles, mettait en scène un pauvre auteur metteur en scène, lui-même, en difficulté avec ses comédiennes et comédiens.

Au 20e siècle, c’est Jean-Claude Grumberg qui s’amuse avec un sujet grave, l’affaire Dreyfus, en mettant en scène un bande de comédiens polonais juifs qui ne comprennent rien au contexte de la pièce.

Je connais ensuite Thé à la menthe ou t’es citron ? avec Patrick Haudecoeur, qui se moque d’une bande d’amateurs montant leur première pièce.

Et enfin, Claude Monteil qui reprend le flambeau avec Antigone… enfin presque, une bande d’amateurs un peu fracassés qui ne comprend rien à Antigone de Sophocle.

C’est donc une longue tradition de s’auto moquer de nos travers de comédiennes et comédiens.

L’équipe du Souffle de l’Harmattan a bien réussi à relever ce défi de jouer avec talent cette bande de « bras cassés » avec ses cabots et cabotines.

Et l’auteur Claude Monteil, présent à la première, a un avantage sur tous les autres : il est lyonnais !

Gilles Champion

INTERVIEW

CLAUDE MONTEIL · AUTEUR DE THÉÂTRE

POUR COMMENCER, PEUX-TU TE PRÉSENTER ?

Ma première pièce, Tu oublieras Tom, a été créée en 1997 au théâtre de la Platte (un théâtre lyonnais qui n’existe plus aujourd’hui). C’est d’ailleurs dans ce lieu que j’ai découvert le théâtre en 1992 et rencontré des gens qui avaient le même âge que moi et dont c’était le métier : Samuel Bousard, directeur artistique et metteur en scène du théâtre, et Thierry Pitrat, son administrateur.

A notre départ du théâtre de la Platte, avec un noyau de comédiens, nous avons rejoint la Compagnie Instant T. créée en 1999, et ouvert un lieu en 2004 – le théâtre Instant T. que nous avons géré jusqu’en 2016 – et monté ensemble plus d’une trentaine de spectacles.

Mon intérêt s’est tout de suite porté vers l’écriture mais quand on écrit pour le théâtre, c’est souvent très difficile d’être joué… alors par la force des choses, je suis également devenu metteur en scène.

ET AUJOURD’HUI TU AS DEUX COMPAGNIES, UNE AMATEUR ET UNE PROFESSIONNELLE…

De 1999 à 2017, j’ai écrit et mis en scène les spectacles de la Compagnie Instant T., une compagnie amateur mais en 2018, avec Samuel Bousard, nous avons créé la compagnie Le Bruit des Mots, une compagnie professionnelle avec un versant amateur Le Bruit des Mots- Alinéa 2.

La plupart de nos projets sont d’ailleurs montés à deux : j’écris et mets en scène et Samuel s’occupe de la direction d’acteurs.

ET COMBIEN DE PIÈCES AS-TU ÉCRITES ?

Une cinquantaine environ.
Les spectacles que nous produisions au théâtre Instant T. ont fait vivre le lieu pendant 12 ans et nous permettaient d’accueillir des compagnies Amateurs et professionnelles.

En tant qu’auteur de la compagnie, j’avais donc « l’obligation » d’écrire au moins 2 ou 3 pièces par an. Avant j’écrivais en sachant que j’allais être joué, mais aujourd’hui, même si je n’ai plus de lieu – et donc plus l’assurance d’être joué -, j’écris toujours autant.

En 2011, Samuel Bousard et moi avons créé L’Anniversaire, une pièce que j’avais écrite pour 2 comédiennes de la compagnie Instant T. Un spectacle intimiste qui met en scène deux sœurs qui se retrouvent pour l’anniversaire de leur mère disparue. C’est un spectacle que l’on a repris plusieurs fois et joué jusqu’en 2018. On m’a conseillé de mettre le texte à disposition sur le site du Proscenium et c’est là que des comédiennes et des metteurs en scène ont commencé à s’y intéresser. Il a été pas mal joué depuis. Il l’est d’ailleurs encore aujourd’hui alors que ça fait plus de 10 ans qu’il est accessible sur le site.

On peut trouver un peu plus d’une trentaine de mes textes sur le site du Proscénium. Il y a les pièces que j’ai écrites pour ma compagnie, mais aussi celles écrites sur commande pour d’autres compagnies ainsi que des textes écrits pour des ateliers, enfants/ados ou adultes.

Je me suis rendu compte que les compagnies Amateurs étaient en demande parce qu’elles ont souvent du mal à trouver des pièces pour un grand nombre de comédiens, avec des rôles équilibrés. Comme la Compagnie Instant T. comptait pas mal de comédiens, j’ai souvent écrit des spectacles pour des distributions importantes, c’est pourquoi j’ai la chance de voir quelques-uns de mes textes régulièrement joués, comme Antigone…enfin presque !

ET POUR ANTIGONE… ENFIN PRESQUE, J’AI L’IMPRESSION QU’IL Y A UNE PART DE VÉCU ?

J’ai écrit ce texte presque à la fin de l’histoire de la compagnie Instant T. et me suis logiquement inspiré de ce que nous avions vécu pendant 15 ans.

Ce n’est pas le dernier mais l’avant-dernier spectacle de la compagnie Instant T., mais c’est surtout le dernier spectacle que l’on a créé avec tous les comédiens de la compagnie. C’est donc un spectacle important pour nous et auquel nous sommes tous très attachés. Antigone…enfin presque ! parle de la création d’un spectacle (L’Antigone de Sophocle) par une compagnie Amateurs, mais il parle avant tout des relations entre les comédiens et le metteur en scène qui peuvent être souvent conflictuelles.

Faire du théâtre en amateur, c’est parfois compliqué parce que nous n’avons pas tous les mêmes envies, les mêmes implications, la même disponibilité, ce qui crée immanquablement quelques conflits.

ET CE SPECTACLE EN PLUS A EU UN SUCCÈS !

Nous l’avons joué pendant deux saisons au théâtre Instant T., avec quatre distributions, et nous l’avons aussi beaucoup joué à l’extérieur.
En tout, presque une centaine de fois et toujours devant des salles très réceptives.
Dans la première partie, on suit les répétitions d’Antigone et dans la seconde partie, on assiste à la première du spectacle. Ce qui plait beaucoup aux spectateurs, c’est de voir ces comédiens se liguant contre un metteur en scène quelque peu tyrannique, pour enfin reprendre le pouvoir, le soir de la première. C’est un spectacle drôle, mais pas que…

Le texte est édité aux éditions L’Harmattan, ce qui lui a également donné un peu plus de visibilité.

Il a été joué par quatre compagnies cette année.

DES PROJETS AVEC LA COMPAGNIE LE BRUIT DES MOTS ?

Des projets on en a toujours, dont un qui a malheureusement été abandonné à cause du COVID. J’ai fait une adaptation de Roméo et Juliette pour 7 comédiens, Samuel Bousard et moi l’avons mise en scène et une semaine avant la première, il y a eu le confinement. Le spectacle n’a pas pu être joué et c’est devenu trop compliqué de le remonter par la suite. Mais il est toujours en suspens et j’espère qu’il pourra être repris…

Nous sommes actuellement en pleines répétitions d’Un pur cauchemar qui va se jouer à Lyon au théâtre Au Rikiki fin avril. C’est une comédie que j’avais écrite il y a presque 10 ans pour une compagnie et que j’ai retravaillée et adaptée pour 6 comédiens.

EST-CE QUE TU VAS VOIR LES SPECTACLES DE TES PIÈCES ?

Pas souvent en fait, parce que parfois c’est un peu loin et aussi parce que je ne suis pas toujours disponible. Mais quand je le peux j’y vais, et je trouve ça toujours très intéressant de rencontrer les comédiens et les metteurs en scène après une représentation.

Avec trois comédiens qui avaient créé la pièce en 2015, je suis allé voir Antigone…enfin presque ! joué par la compagnie du Souffle de l’Harmattan, le soir de la première. C’était vraiment agréable de réentendre le texte et de voir que ce qui fonctionnait avec les comédiens de la compagnie Instant T. fonctionnait aussi avec d’autres. On sentait le plaisir de la troupe sur le plateau.

La revoir nous a d’ailleurs donné envie de le remonter et je crois qu’on est bien partis pour le faire la saison prochaine.

D’AUTRES TEXTES À CONSEILLER POUR LES COMPAGNIES QUI NOUS LISENT ?

Travailler avec une compagnie, dans un théâtre, pendant toutes ces années, m’a permis d’explorer beaucoup de genres, d’univers, d’époques, d’auteurs et d’écrire des textes très différents parmi lesquels L’anniversaire, Face à la mer, Œil pour Œil, Le dernier mot ou encore D’abord, ils nous regardent, un texte écrit pour 4 comédiennes. 4 comédiennes sur un plateau, perchées sur des tabourets hauts, qui ne bougent pas ou presque pendant 1h30. Un texte drôle et « énigmatique » que j’aime beaucoup et qui plaît d’ailleurs autant à des compagnies Amateurs que professionnelles.

En lien avec l’interview de Claude Monteil, nous avons rencontré Véronique Jacquemin metteuse en scène du Souffle de l’Harmattan, qui a monté Antigone… enfin presque !