Dans une précédente lettre, j’avais évoqué la fraternelle des folles et des fous de théâtre. Cette interview croisée autour de ABS montre que dans cette fraternelle, il y a le “tabernacle” des éditions théâtrales. Car c’est une folie d’éditer des pièces qui se vendent mal et qui oblige l’édition a refusé de nombreux textes au risque d’être mal compris. Et pourtant cette folie est contagieuse car elle est passée de Philippe Absous à Corinne Tissier à qui je souhaite tout le bonheur de vendre les pièces. Vous lirez que la FNCTA est au centre des motivations des uns et des autres, c’est d’ailleurs à l’AG nationale de mai dernier que j’ai croisé Corinne. Quant à Philippe, je le remercie encore de m’avoir fait connaitre LES REGIMES TOTALITAIRES que nous avons montées en 2014 avec beaucoup de plaisir…il y a tant de pièces ABS que j’ai lues et que j’aurais aimé monter….peut être dans ma prochaine vie ? Troupes, achetez des pièces ABS et jouons !

Gilles Champion

INTERVIEW

ÉRIC BEAUVILLAIN · AUTEUR DE THÉÂTRE

POUR COMMENCER, PEUX-TU TE PRÉSENTER POUR NOS LECTRICES ET LECTEURS ?

Je m’appelle Éric Beauvillain, je suis auteur de théâtre, prof de théâtre, prof d’improvisation, metteur en scène, comédien. J’ai commencé en…. je ne sais plus quelle année !
Peut être 1993 ou  1994 au Théâtre de La Roële que dirigeait Patrick Schoenstein, le président de la FNCTA National. Je ne savais pas que c’était le président de la FNCTA à l’époque. J’ai donc commencé avec lui comme si c’était une personne normale. Et j’ai découvert ensuite que c’était le président et que tout le monde disait ”Monsieur le Président” devant lui !

Par la suite, j’ai rejoint ma femme dans l’Aube, dans sa troupe, dans laquelle il y avait trois personnes qui animaient des ateliers de théâtre et qui déménageaient la même année. Et les comédiens et comédiennes des ateliers souhaitaient continuer. On m’a donc proposé de les reprendre. C’est comme ça que je suis devenu professeur de théâtre.

Par ailleurs, il y a dans l’Aube un festival qui s’appelle Scènoblique, qui dure 3 jours et qui met en avant les metteurs en scène le vendredi, les comédiens le samedi et les auteurs le dimanche en faisant un appel aux auteurs. La première année où j’ai participé, j’ai gagné le concours à l’unanimité et le prix était que son texte était mis en scène.
Il a été mis en scène par Freddy Viau de façon magistrale.
Et je me suis dit que si c’était ça écrire, que des gens s’en emparent et en fassent quelque chose d’excellent. Moi je voulais continuer, j’ai donc continué !

Le bouche-à-oreille a fait que j’ai eu de plus en plus d’ateliers, et j’ai toujours continué à écrire.

J’ai découvert par la suite, Le Proscenium, sur lequel les auteurs peuvent mettre des textes à disposition des troupes. Le site fait aussi des appels à textes tous les trimestres et à l’époque, ils étaient en partenariat avec ABS éditions.
La maison d’édition a sélectionné mes textes sur trois ou quatre appels de suite et s’est dit qu’on s’entendait bien ; ils m’ont donc proposé d’écrire des recueils, juste moi.

Je continue encore aujourd’hui à écrire des textes puisque j’encadre des ateliers. Comme je suis auteur, je trouve plus facile d’écrire un texte pour mes ateliers, que de lire une cinquantaine de pièces pour trouver celle qui convient à la distribution, au groupe…
Ce qui fait que, comme j’ai 4 ateliers enfants, un atelier adulte, j’écris au moins 5 pièces par an.
Je continue Scènoblique, quand j’ai une idée, une envie, j’écris etc… !

SUR UNE PRÉSENTATION POUR UN LIVRE DE JEUNESSE, TU DISAIS QUE TU NE VOYAIS PAS L’INTÉRÊT DE FAIRE JOUER À DES ENFANTS DES RÔLES D’ADULTES…

 Je n’aime pas leur faire jouer des rôles d’adultes parce que c’est comme les gamins à qui on demande d’apprendre Les Fables de La Fontaine à l’école et ils les récitent sans comprendre ce que ça raconte. Par exemple, j’ai relu les textes il n’y a pas longtemps, il y a des mots que je ne connais pas, que je ne comprends pas…
Je trouve donc que ça ne peut pas être bien dit, pas bien joué, quand on demande à un gamin de jouer le rôle d’un banquier, de quelqu’un qui divorce, d’un vieillard. Il va le jouer, il va faire le truc, mais il va moins bien le ressentir que si c’était une histoire qui pouvait lui arriver.
J’essaie d’écrire des histoires qui sont de leur âge, mais des histoires un peu originales. J’ai écrit un texte dans lequel des jeunes en ont marre de leurs parents et décident de fuguer tous ensemble. Un autre, avec un corbeau publie sur Facebook et Instagram et tous les jeunes enquêtent pour savoir qui est le corbeau.
Cette année, pour les préados, j’ai écrit l’histoire de jeunes qui se sont réunis pour aller au cinéma. Ils ont tous mangé ensemble, ils ont tous partagé leurs frites. Et dans le saladier, il reste une frite. Donc, pour qui est la dernière frite ?  Ça amène à des discussions pendant une demi-heure sur l’égalité, le mérite, etc…

L’idée est d’y insérer des éléments qui soient de leur âge, mais qui puissent être intéressants quand même.

On commence chaque année dans mes ateliers avec une séance sur laquelle chacun me donne tous les thèmes qu’ils voudraient aborder dans l’année. Je choisis alors un thème qui va servir à notre travail sur l’année. Puis j’écris toute la trame, ils proposent des idées et j’écris la pièce. C’est une manière de participer à la création et ils se reconnaissent ensuite quand ils lisent le texte. Ils sont impliqués dans la pièce et on a travaillé autour, on l’a créé.

Ah ! Quels enfants ! - 20 Sketches pour enfants - Eric Beauvillain

PEUX-TU NOUS PARLER DE TES LIENS AVEC LA FNCTA, TU AS ÉTÉ ADMINISTRATEUR DE L’UNION RÉGIONALE GRAND-EST ?

 J’ai donc été dans la troupe de Patrick Schoenstein, et il m’a proposé de participer à des stages, des ateliers, j’en ai suivi quelques-uns. J’ai rencontré ma femme dans un de ces stages qui était elle aussi partie prenante de la FNCTA. Et donc naturellement, nous avons continué à nous investir. Donc, nous étions partie prenante et lorsque l’Union mettait en place des ateliers de formation, nous participions à l’encadrement. Ça nous permettait de découvrir des stages autour de chez nous, de faire des rencontres, de faire des festivals, d’être invités dans des troupes que l’on connaît. Ça permet d’échanger, de connaître plein de monde, de rencontrer plein de gens qui partagent la même passion. De voir des spectacles et de ne pas rester enfermés dans sa petite troupe, mais de s’ouvrir sur les autres.

J’AI LU QUE TU AVAIS  UN DÉFI, LE “DÉFI BEAUVILLAIN” EN 2013, OÙ TU ÉCRIVAIS UN TEXTE PAR JOUR ? PEUX-TU NOUS PARLER DE TON TRAVAIL DE DRAMATURGE. 

Je publiais un texte par jour sur mon site. J’avais trouvé que c’était intéressant, comme n’importe quel métier, de ne pas faire un truc de temps en temps, mais de le faire régulièrement, donc je m’efforçais de publier un texte par jour.
Pour que ce soit plus simple, j’avais trouvé vingt-six thèmes de recueil : le voisinage, les relations de couple, la prison, la galerie commerciale et caetera.
Et je réfléchissais à ce que je pouvais écrire sur chacun des thèmes en amont.

J’ai aussi des potes, Isabelle Oheix, qui est autrice, avec qui nous avons écrit à quatre mains (La Croisière Abuse, Bouse de là, Huit candidats et une cruche). Et, à chaque fois que l’on a fini, je la relance pour en faire un autre !

ET PEUX-TU NOUS EN DIRE PLUS SUR TA RELATION AVEC ABS ÉDITION. J’AI EU PHILIPPE ABSOUS EN INTERVIEW JUSTE AVANT TOI, ET IL M’A ÉNORMÉMENT PARLÉ DE TON TRAVAIL !

Au début, je participais aux appels du Proscenium, car j’aimais les thèmes qui étaient toujours drôles. Je trouvais les thèmes amusants, il y avait toujours un côté décalé et dans l’actualité. Comme Scène de Footage. Il a toujours des idées de recueil originaux.
Au bout d’un moment, ils ont choisi mes textes pour les recueils, et Philippe Absous s’est rapproché de moi pour qu’on fasse quelque chose ensemble. Nous avons bien sympathisé. Et un jour, la maison s’est dit que puisqu’il me choisissait à chaque fois, il pouvait y avoir un lien entre eux et moi. Philippe Absous aimait bien ce que je faisais, donc il m’a proposé de faire un recueil avec mes textes.
D’ailleurs je l’avais fait venir au Festival Scènoblique, dans l’Aube et dont il a édité pendant plusieurs années les lauréats. Il venait pendant les 3 jours, on se rencontrait, on discutait et à chaque fois que je lui proposais un projet, il était partant !

QUELLE EST LA PIÈCE QUE TU AFFECTIONNE LE PLUS DANS TOUTES CELLES QUE TU AS PU ÉCRIRE ?

J’écris énormément de pièces chaque année. J’aime bien, forcément, comme probablement tous les auteurs, tous mes textes, parce que c’est mes bébés et quand j’ai une idée, j’aime bien aller au bout.
A chaque fois j’essaie de trouver des trucs qui m’amuse dans les textes. Cette année, chez les adultes, c’est un groupe de gens qui sont partis en minibus et qui ont échappé à un accident. Ils décident alors de se revoir chaque année pour fêter la chance qu’ils ont eu d’y échapper. Sur 5 ou 6 ans, le groupe se délite car ils n’ont que ça en commun, rien d’autre et plus on avance et plus les personnages se disputent. Ça m’intéressait d’aller au bout de ça. Et dans chacune de mes pièces, j’essaie de trouver un truc qui m’intéresse. Comment une situation peut évoluer ou dégénérer ?
Du coup, j’aime bien tout ce que je fais,  j’ai déjà fait plein de fois des textes où je ne suis pas allé au bout, parce que finalement je trouve que ce n’est pas si intéressant que ça.
Les textes que j’ai écrits et qui sont les plus joués, sont toujours des comédies, c’est rarement des drames ou des choses plus sombres.
Il y a des troupes qui m’invitent, donc Ainsi soient-elles j’ai dû la voir une bonne vingtaine de  fois !
Elle marche bien donc c’est satisfaisant de voir qu’elle plaît. Mais je suis aussi toujours content quand des troupes jouent des pièces qui sont moins jouées.

UN PETIT MOT POUR FINIR ?

Je fais deux métiers qui me paraissent les meilleurs métiers du monde. 

Écrire, parce que ça me permet d’inventer, de chercher des idées, les triturer et tenter d’en sortir le meilleur, construire une histoire avec juste des dialogues, pas de descriptions, des échanges entre personnages qui se veulent réalistes même si les situations ne le sont pas… Et j’adore ça, je m’amuse comme un fou…

Prof de théâtre et d’impro, parce que je fais vivre des histoires, que je pousse des comédiens à se surpasser, donner le meilleur d’eux-mêmes, s’accepter, s’entraider, devenir une troupe unie… Et j’adore ça, je m’amuse comme un fou…

Et quand j’ai fini de bosser, pour me détendre, je m’investis dans une troupe amateur qui me permet de jouer, raconter des histoires, partager des moments avec les comédiens de la troupe mais aussi des gens que l’on rencontre dans les festivals, voir d’autres pièces, d’autres histoires… Et j’adore ça, je m’amuse comme un fou…

Le théâtre, ça permet de rêver, de réfléchir, de rire, de s’émouvoir… C’est la vie mais en plus riche parce qu’un auteur a condensé des instants divers en un instant précis dans lequel il a tout réuni, c’est voir notre monde autrement et tel qu’il est à la fois, avec des gens qui ont la passion du partage. Et j’adore ça, je m’amuse comme un fou…

Pour suivre l’actualité d’Eric Beauvillain

Ou sur son site

Cette interview est en lien avec
Quelques questions avec… Corinne Tissier, pour la seconde vie d’ABS éditions
Quelques questions… avec Philippe Absous, ancien éditeur d’ABS éditions

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