Chargée de mission au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, journaliste radio et en presse écrite, comédienne, auteure et conférencière, Sylviane Sarah Oling est, comme elle se définit, une porteuse de mémoire.

Ce devoir de transmission est mis en acte par un travail artistique et citoyen auprès des collégiens et lycéens, Consciences en Convergences qu’elle a co-créé avec un comédien, Emmanuel Amado. 

Auteure de 5 romans, ses écrits sont habités par son expérience personnelle. 

En 2020, elle adapte son roman Au nom des oiseaux, en pièce de théâtre : Dieu riait ?, un texte fort, une partition puissante et frénétique. 

Nous l’avons rencontrée alors qu’elle a terminé l’écriture de sa seconde pièce Partie d’échec contre Stéphane Zweig depuis quelques mois.

INTERVIEW

SYLVIANE SARAH OLING

SARAH, POUR NOS LECTEURS ET LECTRICES, PEUX-TU TE PRÉSENTER ? 

Je m’appelle Sylviane Sarah Oling… (c’est terrifiant cette question-là !

Je suis avant tout, romancière. Auteure de 5 romans, je viens d’achever l’écriture de mon sixième.
Mon travail d’auteure est axé sur la transmission des Mémoires. À la genèse, il y eut le sentiment de ma pleine responsabilité, étant fille de déportés, de me consacrer à ce devoir de transmission de la mémoire de la Shoah.  Depuis, ma réflexion a évolué, et je parle désormais au nom de toutes les Mémoires. 

ET QU’EST-CE QUI T’A MENÉ VERS LE THÉÂTRE ?

J’ai navigué par, pour, et avec le théâtre depuis mes premiers pas sur les planches. C’était en 1980, mon premier rôle. Le Théâtre des Nombres montait  «Monsieur Fugue ou le mal de terre » de Liliane Atlan, mis en scène par Jean-Louis Amar.
Un texte fort, qui déjà préfigurait mon engagement autour de la transmission des Mémoires.

Bien plus tard, je rencontre Denis Lllorca et j’intègre la compagnie Étoile de l’Aube pendant deux ans, quelques brèves apparitions sur scène.

En 1998, j’ai eu l’immense privilège de jouer avec Isabelle Sadoyan et Isabelle Le Nouvel, dans Savannah Bay de Marguerite Duras, mise en scène par Catherine Sermet. J’en ai cultivé depuis une réelle humilité et le respect profond du théâtre. Et la vie m’a rattrapé, il fallait vivre, au sens prosaïque du terme, tout simplement.  J’ai eu une activité professionnelle, tout en poursuivant mes activités artistiques. J’ai toujours écrit, en vérité.

Savanah Bay de Marguerite Duras - avec Isabelle Sadoyan et Isabelle Le Nouvel, mis en scène par Catherine Sermet

TU AS CRÉÉ AVEC EMMANUEL AMADO, CONSCIENCES EN CONVERGENCES, POUR TRANSMETTRE LES MÉMOIRES PAR LE THÉÂTRE. PEUX-TU NOUS EN PARLER ? 

Quand je parle de transmission, je m’adresse surtout à la jeune génération. Mon cinquième roman, Au nom des oiseaux, et la pièce de théâtre …Dieu riait ?, sont au cœur de cet acte mémoriel, que j’ai co-créé avec Emmanuel Amado, Consciences en convergences et dont la thématique est de transmettre les mémoires par le théâtre. Avec Emmanuel, nous avons réalisé la première de Consciences en Convergences, au Musée Mémoriel d’Izieux en 2019 .

Puis est arrivé le confinement, alors que nous étions en répétition pour un second événement, un spectacle, avec des collégiens de troisième. Brusquement tout s’interrompt pour tous les artistes. Longue interruption pour nous. 

Mais, enfin, en novembre 2021, au Théâtre des Augustins à Montluel, notre spectacle, centré autour de Au nom des Oiseaux  paru récemment chez Donjon Editions, a pu avoir lieu.  Nous avons obtenu le soutien de la DILCRAH (Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT). Parce que nous avons travaillé pour ce spectacle en lien étroit avec les professeurs de français et d’histoire du collège Emile Cizain de Montluel. 

Atelier de la lecture/spectacle devant les élèves de 3e du collège de Montluel, 2020

COMMENT TRAVAILLEZ-VOUS AVEC LA JEUNE GÉNÉRATION À TRAVERS CONSCIENCES EN CONVERGENCES ? 

Lorsque j’ai travaillé avec Emmanuel Amado, ce fut sur une base, le roman Au nom des oiseaux  qui sert d’outil pédagogique. Comment transmettre les mémoires à travers un texte, au travers d’une histoire ? 

Nous l’avons fait, en synergie avec les enseignants, qui sélectionnent des textes qui interpellent sur cette convergence des consciences, cela peut être des citations, Desmond Tutu, Anne Franck, Judith Butler… et tant d’autres, qui sont scénarisées et lues en miroir du roman.  Je pars toujours de leurs désirs à eux, ces jeunes, de ce qu’ils ont envie de faire, ce qu’ils ont envie de jouer. Cela peut être de la musique ou déclamer le texte en slam… Ils s’emparent du texte, et cela devient un objet théâtral hybride, mélange de spectacle, et de pédagogie, autour de la transmission espérée par moi. 

IL Y A D’AILLEURS À TRAVERS LES TEXTES MIS EN MIROIR, UNE RÉSONNANCE À D’AUTRES MÉMOIRES, UNE RÉSONNANCE AUSSI À L’ACTUALITÉ…

En effet, si j’écris “les” Mémoires, c’est volontairement. Je pars du postulat qu’effectivement, la Shoah a été la trame, mais ce sont bien les Mémoires que j’aborde désormais, que ce soit au cours de conférences, de rencontres avec des lecteurs, ou auprès de la jeune génération. 

Je travaille depuis près de 30 ans sur cette transmission des mémoires et, lorsque je m’adresse à un jeune public, je cherche un axe qui leur permettra de se l’approprier, sans que cela devienne « mortifère » . 

Je dis toujours que je souhaite remplacer Thanatos par Eros. Je ne transmets pas la mort, mais la vie. 

Et je rajoute que je tente d’être un «  jardinier de l’espérance » , dire, c’est semer des graines… et le théâtre y contribue. Car le théâtre est une force, il est vivant !

TU AS ÉCRIT DEUX PIÈCES.
“…DIEU RIAIT ?” EST UNE ADAPTATION DE TON ROMAN “AU NOM DES OISEAUX”. COMMENT ET POURQUOI AVOIR ADAPTÉ TON ROMAN ? 

Pour …Dieu riait ?cette adaptation est une plongée dans la psyché de Yann Holdman, personnage principal du roman,  en lutte intérieure face à  un personnage –Dieu- , absent dans la version littéraire. À propos du  titre « Dieu riait ? » Pourquoi ce titre ? Il fait référence à un célèbre proverbe yiddish généralement traduit par “l’Homme fait des projets et Dieu en rit” (Der Mentsch tracht un Gott lacht),,  résumant l’impuissance de l’Homme face à un Dieu tout-puissant dont le Grand Dessein ne donne aucune importance à l’existence terrestre de ses créatures

Dans le roman, les oiseaux sont les messagers entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. Le Maestro Yann Holdman ne s’adresse presque plus qu’aux oiseaux. Pour lui, la parole de ses semblables s’est « démonétisée ». Cet homme porte un secret épouvantable. Il s’enferme dans une culpabilité qui le ronge. Depuis des années, il ne sort presque plus de chez lui, sauf pour diriger un unique concert par an.  C’est pourquoi il est appelé « le chef d’orchestre nomade ».   Il s’est volontairement abstrait de l’amour, de la vie.
Dans la pièce de théâtre, quatre personnages se retrouvent dans la maison du Maestro. J’ai changé de mode narratif. L’écriture, hors les didascalies, n’est plus que monologue ou dialogue. Monologue de Yann Holdman  et parfois « monodialogue » entre lui et… Dieu.. Un Dieu, par essence muet, qu’il interpelle, supplie, harangue, tout au long de la pièce. Pour tenter de comprendre, mais comprendre quoi, en fait ? Là est le secret, qui ne sera dévoilé qu’à la toute fin de la pièce. Le maestro se croit par moments dans la toute-puissance, parfois, il s’effondre. En proie à de terribles colères contre ce Dieu qui ne les a pas sauvés… 

Dieu riait ? - publié chez Donjon Éditions
Dieu riait ? - publié chez Donjon Éditions

ET AS-TU PU MONTER .”..DIEU RIAIT ?” ?  

Ma pièce n’a jamais encore été montée. 

Dieu riait ?   a été mis en voix sur la scène du cinéma l’Etoile, par Alain Bourbon, aux Rendez-Vous d’Automne du Festival National de Théâtre de Châtillon-sur-Chalaronne, le 4 octobre 2020, avec le soutien de Jean-Paul Alègre, ancien président de la SACD et dramaturge et la présence amicale de Catherine Terzieff .  Alain Bourbon, qui a été à mes côtés pendant toute l’écriture de ma pièce, et m’a inspirée à de nombreuses reprises, poursuit ponctuellement cette mise en lumière.  Il a, avec des comédiens, entre autres Vincent Tantaro pour le rôle de Yann Holdman, réalisé deux autres lectures, mises en scène et en voix dans des festivals de théâtre amateur, entre autres à Terre de Scènes à Villefranche, en 2021. 

Pour l’instant, nous en sommes là. Et j’aimerais que cette pièce soit montée !

PEUX-TU NOUS PARLER DE TA DERNIÈRE PIÈCE ? 

Je l’ai terminée il y a quelques mois !
Partie d’échec contre Stéphane Zweig, elle, n’a  encore jamais été ni lue, ni mise en scène, elle est juste déposée à la SACD. J’ai eu quelques bons retours de confrères, de professionnels, de dramaturges, mais elle est vraiment vierge de toute représentation. 

Cette pièce peut être intéressante pour des compagnies amateures, pour le fait que j’ai créé 12 personnages.  Dans un univers dont il m’a été dit qu’il tenait à la fois de Beckett et de Ionesco. C’est un autre genre… particulier… le mien.

C’est l’histoire d’une dramaturge qui veut monter sa première pièce. Elle organise une audition et attend les comédiens. Et les comédiens qui se présentent ne sont pas du tout  ceux qu’elle attendait. Ils ont tous un lien avec sa vie, ce sont des fantômes, ce sont des personnages qui sont morts, qui étaient présents dans son existence et qui ont l’ont marquée, imprégnée, même. . Parmi ces « fantômes » , se présentent à l’audition , son éditeur, sa mère , son grand-père… Ils ont tous des comptes à régler. Arrivent également deux 2 drag-queens, qui sont des êtres qu’elle a beaucoup aimé, mais également un épicier chinois avec un accent italien et son rat Fortuneo ! , Et quelques autres …dont un violoniste qui était un ami de son père,. Au cours de cette folle audition, se mettent en actes des règlements de compte violents, mais la tendresse et l’amour affleurent également. . Beaucoup d’agitation, de mouvements sur scène, des chassé-croisé, et le rat Fortuneo ,qui ne cesse d’arriver depuis les coulisses, traverse la scène  et repart, avant que quiconque puisse l’attraper, puisque lui non plus n’existe pas.

UN PETIT MOT POUR FINIR ? 

Le théâtre, dès mes vingt ans, m’a remise en axe. Depuis, le théâtre est en filigrane dans chaque acte de ma vie !

Ce que j’espère, grâce à votre interview,  c’est donner à lire et à percevoir, pour  des compagnies, mon univers, que cela crée le désir de lire ces deux pièces et… le graal (sourire)  de les monter, pour qu’enfin,  elles sortent des coulisses. 

Site web de l’auteure :
www.sarah-oling.com

Pour retrouver les deux textes de l’auteure :
Dieu riait ?  
N°SACD – 1429340
La pièce sera éditée en janvier 2023 chez Donjon Éditions 

Partie d’échec contre Stéphane Zweig :
N°SACD : 753917

Pour en savoir plus sur Consciences en convergences :
www.consciencesenconvergences.com

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